Relance du nucléaire : le fait du Prince – Communiqué SUD-Énergie
A peine deux semaines après la mise en ligne du rapport RTE de plus de 600 pages sur les futurs énergétiques possibles, Emmanuel Macron annonce sa décision de construire de nouveaux EPR.
Ce lourd travail de RTE, issu d’une concertation avec de nombreux acteurs du secteur, était censé éclairer le débat et la décision sur l’avenir énergétique du pays. Il conclut que plusieurs chemins sont possibles vers la neutralité carbone en 2050, impliquant ou non la relance de la filière nucléaire. L’étude montre également que les écarts de coût sont minimes entre les scénarios avec et sans nucléaire en 2050, de l’ordre de 15% et qu’en matière économique, le paramètre décisif n’est pas le choix des filières mais le taux de rémunération du capital, donc l’organisation du secteur électrique et notamment la place laissée aux investisseurs privés. En effet, une variation de ce taux de rémunération du capital de 1% à 7% conduit pratiquement à doubler le coût du système électrique, quel que soit le scénario retenu.
Le choix de poursuivre ou non dans la voie nucléaire relève de critères autres, complexes : les impacts et les risques environnementaux, l’implication sociétale, les risques industriels. Comment croire que le président et ses conseillers ont eu le temps de lire et d’analyser cette étude, mais également celles d’autres organismes comme l’association négaWatt ? Pourquoi ne pas avoir attendu le volet complémentaire que livrera RTE en février, traitant notamment de la sobriété, ou les scénarios de l’ADEME ? Pourquoi ne pas avoir laissé les différents acteurs réagir à ces scénarios et le débat s’organiser et alimenter la campagne présidentielle ?
Par ailleurs, pourquoi ne pas avoir attendu le démarrage de l’EPR de Flamanville, annoncé aujourd’hui pour l’année prochaine, comme les pouvoirs publics s’y étaient engagés et comme le stipule la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE)1 ? Était-on vraiment à un an près pour prendre une décision engageant le pays sur des décennies ou craint-on que cet EPR ne démarre jamais ?
Cette annonce précipitée révèle une fois de plus une conception brutale et antidémocratique du pouvoir, où le président décide seul, conseillé par les lobbys de son choix, selon un calendrier qui sert ses propres intérêts, sur des sujets qui engagent l’avenir de tous.
Les scénarios proposés par RTE et d’autres organismes dessinent des choix de société différents. Ils doivent donner lieu à un débat et à une décision démocratique, pas au « fait du Prince »
10 novembre 2021
1 Celle-ci spécifie que la prise de décision sur un éventuel programme de nouveaux réacteurs passera par « un retour d’expérience consolidé de la mise en service des premiers EPR, notamment Flamanville 3 » (ENERPRESSE 10/11/2021)