Communiqué : rencontre avec le ministère sur la question de la sous-traitance à EDF
Devant le refus obstiné de la Direction de la Centrale Nucléaire de Belleville d'embaucher des salariés de la sous-traitance en situation de prêt illicite de main-doeuvre, de marchandage et de travail dissimulé, notre fédération syndicale SUD Energie a sollicité une rencontre avec notre ministère de tutelle, le ministère de l'Écologie, de l'Énergie et du Développement durable. Nous avons été reçus jeudi 23 mai par sa directrice de cabinet, sur la question plus générale de la sous-traitance à EDF.
Nous lui avons décrit la situation de très nombreux salariés sous-traitants, travaillant pour la plupart depuis des années, voire des décennies à EDF, dans une situation de précarité absolue : ils sont menacés de licenciement à chaque renouvellement d'appel d'offre, ont souvent des salaires bien inférieurs aux grilles d'EDF, des conditions de travail très difficiles (horaires fragmentés et décalés, exposition aux risques notamment nucléaires, etc.), sont privés de fait de tout droit syndical, sont isolés, mal considérés.
Il s'agit de postes pérennes, qui étaient auparavant assurés par des salariés d'EDF.
Cette sous-traitance, qui s'est développée à EDF comme dans la plupart des grands groupes, n'a d'autre objectif, pour les entreprises donneuses d'ordre, que de disposer d'une main d'oeuvre précaire, donc soumise et jetable, exclue du statut des IEG ou des conventions collectives, et de se dédouaner de leurs responsabilités sociales, aux dépens des conditions de travail et de santé des salariés et de la sûreté des installations.
Les engagements éthiques d'EDF vis-à-vis de ces salariés sous-traitants, pris au travers d'accords « pour une sous-traitance socialement responsable », sont une triste farce.
Quelques exemples suffisent à illustrer l'absence de contenu de ces engagements :
Des femmes de ménage, présentes depuis 30 à 35 ans sur le même site, travaillant six heures par jours de 6h à 9h puis de 17h à 20h, pour 800€ par mois, soit même pas un SMIC mensuel, ne pouvant s'arrêter en cas de maladie car elles se verraient appliquer des jours de carence, obligées de travailler bien après 62 ans.
Des gardiens, dont 15% d'entre eux sont susceptibles de ne pas être repris à chaque appel d'offre car trop vieux, trop malades, « trop bien » payés (avec des payes inférieures à 1500€/mois), trop proches des syndicats, l'entreprise remportant l'appel d'offre pouvant faire son marché comme sur une foire aux esclaves.
Ce technicien en téléphonie, travaillant sur un même site EDF depuis 9 ans, obligé de faire intervenir l'inspection du travail pour empêcher une mutation forcée suite à son élection comme délégué du personnel, puis licencié et réintégré après nouvelle intervention de l'inspection du travail, puis à nouveau muté, aujourd'hui en dépression.
Ces prestataires du nucléaire, baladés de centrales en centrales, exposés aux radiations, et ne disposant pourtant ni de garanties d'emploi, ni d'un suivi médical suffisant. Ces 15% de salariés cumulent 80% de la dosimétrie totale de l'industrie nucléaire française.
Ces assistantes, isolées et menacées après avoir demandé leur intégration à EDF, pourtant soutenues par l'inspection du travail.
Tous ces salariés menacés pour avoir osé parler à des syndicalistes ou pour avoir dénoncé des dysfonctionnements dans les centrales nucléaires.
La liste est sans fin.
Nous avons demandé au ministère de l'Écologie, de l'Énergie et du Développement durable d'intervenir en tant que ministère de Tutelle et en tant qu'actionnaire d'EDF à près de 85%, pour que cessent ces situations indignes, ces entorses permanentes au droit du travail en toute impunité, cette irresponsabilité sociale d'EDF vis-à-vis de ces sous-traitants.
Nous lui avons demandé d'intervenir pour que soient embauchés les salariés faisant l'objet de prêt de main-d'oeuvre et délit de marchandage caractérisés.
Plus généralement, nous lui avons demandé de faire mener par des instances indépendantes de la Direction, par exemple l'ASN, un audit sur les situations de sous-traitance à EDF, dans l'objectif de demander la réinternalisation de tous les métiers dont l'externalisation n'a pas de justification technique.
Au-delà de la situation d'EDF, nous appelons le Gouvernement à prendre la mesure de cette machine à broyer les salariés qu'est la sous-traitance, et de faire évoluer la loi pour éviter de telles dérives.
Des solutions existent et méritent d'être débattues :
– imposer par la loi une embauche des sous-traitants qui le souhaitent occupant des postes pérennes dans l'entreprise ;
– donner un droit de veto des comités d'entreprise sur les décisions d'externalisation ;
– donner aux salariés sous-traitant les mêmes droits que les salariés des entreprises donneuses d'ordre : droits liés aux conventions collectives et accords des entreprises donneuses d'ordre, droit syndical, accès aux activités sociales des CE, etc.
– imposer une reprise de tout le personnel qui le souhaite par la nouvelle entreprise en cas de changement de contrat ;
– interdire les niveaux multiples de sous-traitance
– remplacer l'obligation de non ingérence par un partage des responsabilités entre prestataire et donneur d'ordre en cas d'écart à la loi (en matière de droit du travail, accidents, etc.), et obligation pour le donneur d'ordre d'embaucher un salarié sous-traitant dont l'employeur n'aurait pas respecté ses droits.
Nous avons reçu de la part du ministère une écoute de qualité, la Directrice de cabinet se disant très surprise de la situation décrite. Nous espérons que cette prise de conscience sera suivie d'effet, que l'Etat assumera son rôle d'actionnaire principal et que les salariés de la sous-traitance pourront être embauchés par EDF pour que cesse cette situation inacceptable socialement.